Aristote
Il existe, pour Aristote, six types de régimes. Trois régimes visent l’intérêt commun
(monarchie, aristocratie, république ou gouvernement constitutionnel) ; trois autres (tyrannie,
oligarchie, démocratie) sont des déviations ou des dégénérescences des premiers :
« Puisque constitution et gouvernement signifient la même
chose, et qu’un gouvernement
c’est ce qui est souverain dans les cités, il est nécessaire que soit souverain
soit un seul individu, soit un petit nombre, soit un grand nombre de gens.
Quand cet individu, ce petit ou ce grand nombre gouvernent en vue de l’avantage
commun, nécessairement ces constitutions sont droites, mai quand c’est en vue
de l’avantage propre de cet individu, de ce petit ou de ce grand nombre, ce
sont des déviations. Car ou bien il ne faut pas appeler citoyens ceux qui participent
à la vie de la cité, ou bien il faut qu’ils en partagent les avantages.
Nous appelons d’ordinaire royauté celle des monarchies qui a en vue l’avantage commun
; parmi les constitutions donnant le pouvoir à un nombre de gens petit mais supérieur
à un, nous en appelons une l’aristocratie soit parce que les meilleurs y ont le
pouvoir, soit parce qu’on y gouverne pour le plus grand bien de la cité et de
ceux qui en sont membres. Quand c’est la multitude qui détient le gouvernement
en vue de l’avantage commun, la constitution est appelée du nom commun à toutes
les constitutions, un gouvernement constitutionnel. Et c’est rationnel, car il
peut arriver qu’un seul individu ou qu’un petit nombre se distingue par sa vertu,
alors qu’il est vraiment difficile qu’un grand nombre de gens possèdent une
vertu dans tous les domaines, avec comme exception principale la vertu
guerrière : elle naît en effet dans la masse. C’est pourquoi dans cette dernière
sorte de constitution c’est la classe guerrière qui est absolument souveraine
et ce sont ceux qui détiennent les armes qui participent au pouvoir. Les
déviations des constitutions qu’on a indiquées sont : la tyrannie pour la
royauté, l’oligarchie pour l’aristocratie, la démocratie pour le gouvernement
constitutionnel. Car la tyrannie est une monarchie qui vise l’avantage du
monarque, l’oligarchie celui des gens aisés, la démocratie vise l’avantage des
gens modestes. Aucune de ces formes ne vise l’avantage
commun. »
Aristote (325-323 av. J.-C.), Livre III, chap. 7, 1279 a 25, trad. P. Pellerin, coll. « GF », Éd.
Flammarion, 1990, pp.229-230